Tunisie : la Banque mondiale prévoit une croissance 3% en 2025–2026
La Banque mondiale prévoit une croissance du PIB de 1,2% en 2023, ce qui représente un ralentissement significatif par rapport à 2021–2022. En 2024, elle s’attend à une légère hausse de la croissance pour se situer à 3%.
Dans un récent rapport intitulé « Migration dans un contexte économique complexe », l’institution financière estime : « Les prévisions de croissance pour 2024 sont soumises à d’importants risques à la baisse liés à l’évolution de la sécheresse ainsi qu’au rythme des réformes structurelles planifiées par le gouvernement et aux conditions de financement. Les déficits jumeaux de la Tunisie devraient se modérer grâce à des prix plus favorables des matières premières et à une certaine compression des dépenses. Cependant, le financement des déficits nécessitera une augmentation significative du financement extérieur face au lourd calendrier de remboursement de la dette. Si le rythme des réformes s’accélère et le niveau de financement reste suffisant, nous prévoyons que la croissance du PIB se maintiendra à 3% en 2025–2026, accompagnée d’une certaine stabilisation des déséquilibres macroéconomiques et budgétaires. Cela impliquerait une lente convergence vers le milieu des années 30s vers la trajectoire de croissance à long terme, dont l’économie s’est écartée depuis la crise du Covid-19 ».
Le même rapport considère que « l’émigration devient une stratégie de plus en plus importante pour les Tunisiens pour faire face à la situation économique et sociale délicate du pays. Les flux d’émigration de la Tunisie ont considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies et ont suivi des voies plus irrégulières depuis 2019. Avec plus de 54.000 arrivées (19%), les Tunisiens représentent la principale nationalité des migrants irréguliers ayant atteint l’Italie via la route de la Méditerranée centrale entre janvier 2019 et juin 2023. Pour beaucoup de Tunisiens l’émigration est très attrayante en raison des possibilités de revenus plus élevés en Europe. Toutefois, ces gains de revenus potentiels sont considérablement plus faibles lorsque les migrants sont sans papiers. Plus de 200.000 migrants sont également revenus en Tunisie avec des compétences et des capitaux à investir, ayant résidé à l’étranger en moyenne onze années. Néanmoins, ils sont moins nombreux à revenir que les travailleurs émigrants hautement qualifiés. Tout comme les Tunisiens émigrent à la recherche de meilleures conditions de vie, la Tunisie est également un pays de destination pour environ 60.000 migrants venant de l’étranger en 2020, selon les estimations de l’UNDESA et l’enquête Tunisie-HIMS. Leur nombre a augmenté à un rythme plus lent que celui de l’émigration ces dernières années. Aujourd’hui, ils représentent environ 0,5% de la population – un chiffre très faible, entre 20 et 25 fois inférieur à celui des pays européens voisins, notamment l’Italie, la France et la Libye voisine. Cependant, pour les migrants, il est difficile de conserver leur statut légal en Tunisie, car les procédures d’obtention d’un permis de séjour ou de travail sont lourdes, ce qui les rend plus vulnérables et moins capables de contribuer à l’économie tunisienne. Depuis fin 2022, la Tunisie est également devenue un important pays de transit pour la migration irrégulière vers l’Europe. Au cours des huit premiers mois de 2023, 73.829 personnes sont arrivées en Italie par voie maritime depuis la Tunisie. Cela représente environ 44% de tous les migrants irréguliers vers l’Europe et deux tiers des migrants irréguliers vers l’Italie via la route de la Méditerranée centrale au cours de la période. Parmi eux, la grande majorité venait d’Afrique subsaharienne. La multiplication des départs irréguliers a entraîné une recrudescence des incidents et une augmentation du nombre des victimes au large des côtes tunisiennes ».
Et d’affirmer : « La migration deviendra probablement de plus en plus importante pour la Tunisie, tant en termes d’entrées que de sorties, compte tenu de la transition démographique en Tunisie et en Europe. Ainsi, la Tunisie peut travailler (également avec les pays partenaires) pour maximiser les bénéfices de la migration. En tant que pays principalement d’émigrant, la Tunisie pourrait contribuer à renforcer l’adéquation de ses émigrés à la demande étrangère, notamment par une coopération renforcée avec les pays de destination. Une telle coopération devrait inclure la concentration de l’aide internationale sur les objectifs de développement en Tunisie ».
L’institution financière soutient en se référant aux données disponibles, que « l’augmentation des revenus des ménages contribuera à réduire la propension à envisager d’émigrer par des voies irrégulières. Comme son importance en tant que pays de destination (et donc de migrants souhaitant s’installer en Tunisie) est susceptible de croître, la Tunisie peut également accroître les avantages économiques des immigrants en facilitant le statut régulier des migrants et en rationalisant la reconnaissance de leurs qualifications, ce qui a été identifié comme l’un des aspects clés de la mise en œuvre réussie d’accords de mobilité bilatéraux impliquant des partenariats de compétences ».
« Malgré les défis persistants, l’économie tunisienne montre une certaine résilience. L’augmentation des exportations du secteur textile, des industries mécaniques et de l’huile d’olive, associée à la croissance des exportations touristiques, a contribué à atténuer le déficit extérieur, a déclaré Alexandre Arrobbio, le représentant résident de la Banque mondiale pour la Tunisie dans un communiqué. Le renforcement de la concurrence, l’amélioration de l’espace budgétaire et l’adaptation aux changements climatiques sont des mesures essentielles visant à restaurer la croissance économique et à renforcer la résilience face aux futurs chocs économiques et climatiques. », a t il ajouté.
La Banque mondiale rappelle que malgré la réduction du déficit commercial, la Tunisie continue de rencontrer des difficultés pour sécuriser les financements externes requis, sur fonds de calendrier important de remboursement de sa dette extérieure à court terme.
« Alors que les conditions de financement extérieur restent serrées, les importations ont continué d’être comprimées. C’est particulièrement le cas pour les entreprises publiques fortement endettées, qui détiennent le monopole de l’importation et de la distribution de certains produits. Le système de contrôle des prix qui régit les principaux marchés de produits de base est un facteur clé de l’endettement croissant des entreprises d’État ainsi que des pénuries qui en découle », lit-on dans ce même communiqué.
En octobre dernier, la Banque mondiale avait revu à la baisse ses prévisions concernant la croissance en Tunisie en 2023. Dans son rapport économique de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena) intitulé « Trouver le juste équilibre » pour octobre 2023, elle tablait sur une croissance de 1,2% en 2023 alors en juin dernier elle prévoyait une croissance de 2,3% pour l’année 2023. Par contre, ses prévisions en termes de croissance pour 2024 sont maintenues à 3%. La croissance avait atteint 2,4% en 2022.