Trois raisons derrière l’échec de la conciliation pénale, selon Ahmed Souab
L’avocat Ahmed Souab s’est exprimé au sujet de la conciliation pénale considérant que le processus a échoué.
Dans une interview accordée à Charaâ Magharibi dans son édition du 14 novembre 2023, il a évoqué trois raisons derrière cet échec : la conception, la politisation du processus et la faiblesse du cadre juridique.
Selon Ahmed Souab, dans sa conception du système de conciliation pénale, le président de la République Kaïs Saïed s’est basé sur le rapport d’Abdelfattah Amor qui contient plusieurs données erronées dont l’estimation des fonds spoliés, et le nombre d’hommes d’affaires impliqués dont M. Amor n’a pas fait mention dans son rapport.
« Du moment que le point de départ est incorrect, c’est tout à fait normal qu’il y ait des problèmes structurels qui mèneront, in fine, à l’échec », a expliqué l’avocat.
Pour ce qui est de la deuxième raison, qu’est la politisation du processus, Ahmed Souab est revenu sur les fonds récupérés qui devraient être alloués au financement des entreprises communautaires. Un projet qui s’inscrit dans le cadre de la gouvernance par les bases ; une entreprise de Kaïs Saïed « qui s’oppose et annule le projet de l’économie sociale et solidaire ». L’avocat a rappelé, dans ce sens, que 20% des fonds que Kaïs Saïed entend récupérer devraient être alloués aux entreprises communautaires et 80% à des projets citoyens dans toutes les délégations de la Tunisie.
Autre manifestation de la politisation du processus : la désignation des membres de la commission chargée de la conciliation pénale par le président de la République lui-même. « Cela implique forcément une allégeance envers le président de la République, surtout que légalement, la commission est sous l’autorité de la présidence de la République et ne dispose, de ce fait, d’aucune indépendance, ni administrative, ni financière », a ajouté, l’avocat.
La troisième raison derrière l’échec de la conciliation pénale est, elle, relative à la faiblesse du cadre juridique. Selon Ahmed Souab, le texte règlementant la conciliation pénale ne fixe ni la durée de la mission de la commission ni celle du début des poursuites pénales, sans parler de la méthodologie de calcul des fonds spoliés.
L’avocat a expliqué, sur ce dernier point, que le calcul prévu était faux. « L’estimation de l’argent spolié se calcule sur la base de l’année durant laquelle l’avantage a été acquis plus 10% par an sans oublier le taux l’inflation », a-t-il indiqué notant un manque de réalisme. Il a cité, dans ce sens, l’exemple d’un homme d’affaire qui aurait proposé d’avancer trois mille millions de dinars. Selon l’avocat, cet homme d’affaires devrait, sur la base de ce calcul, « s’acquitter de huit mille millions de dinars, ce qui représente le double du budget alloué à l’investissement dans le PLF 2023 ».
Ahmed Souab a relevé, également, un conflit structurel opposant la commission de conciliation pénale et la commission de confiscation des biens. Un conflit imputé aussi à la faiblesse du cadre juridique. Évoquant l’affaire d’Imed Trabelsi, l’avocat a précisé que celui-ci ne serait pas en capacité de verser les indemnités requises comme ses biens et argent ont été gelés. La commission de conciliation pénale se trouve, également, en conflit avec l’Instance Vérité et Dignité, la commission de commission de recouvrement des fonds spoliés à l’étranger et la loi sur la conciliation administrative, d’après Me Souab.
Commentant le rendement de la commission de conciliation pénale, l’avocat a signalé des infractions à la pelle en lien avec la non divulgation des indemnités des membres de ladite commission, la non publication du règlement intérieur, et les vacances qui n’ont pas été remplies dans les délais fixés. « Le président de la République et la commission ont violé le décret (sur la commission de conciliation pénale) », a-t-il déploré.
La commission de conciliation pénale a été créée par décret présidentiel le 11 novembre 2022. Cette commission était supposée récupérer quelque 13,5 milliards de dinars qu’auraient spolié quelque 460 hommes d’affaires corrompus.
Nommés pour une période de six mois, renouvelable une fois, les membres de cette commission ont achevé, leur second mandat le 10 novembre 2023.