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Salah El Hajja revient à Assabah pour fermer sa bouche

Retour aux sources. Le journaliste Salah El Hajja revient à son premier journal Assabah pour son micro-billet quotidien à la une, « Naqcha » (synonyme tunisien de coup d’éclat) et ce à partir de ce vendredi 1er décembre 2023.

Le billet en question est une pâle copie de ce que faisait feu Mohamed Guelbi, inégalable billettiste, aussi bien à Assabah avec « lamha » (clin d’œil) qu’Achaâb avec « harboucha » (pilule).  Les billets de Mohamed Guelbi étaient très célèbres par une virulence extraordinaire en très peu de mots et ont participé à la célébrité du journaliste et à l’accroissement des ventes d’Assabah et Achaâb. Il a cependant payé cher sa virulence et son indépendance d’esprit et il a été emprisonné et torturé en 1978 puisque les autorités de l’époque n’appréciaient guère ses piqûres.

Salah El Hajja reprit le même concept au début des années 1990 dans son journal hebdomadaire Assarih devenu quotidien par la suite, mais en transformant la virulence et l’indépendance en flatterie et courtisanerie du régime Ben Ali. Ce qui lui a assuré de confortables recettes publicitaires et d’abonnements de l’État pendant deux décennies permettant la naissance d’un deuxième journal. Le modèle a connu ses limites avec la révolution de 2011 que Salah El Hajja, très coloré politiquement, n’a pas su affronter. Il a également raté la migration vers le numérique. « Je suis un homme de papier », disait-il. Faute d’abonnements, de lectorat et de recettes publicitaires, le journal papier a cessé sa diffusion, migrant tardivement et très maladroitement vers le web. La formule web n’a cependant pas réussi à séduire un lectorat massivement tourné vers les « pure players » et les réseaux sociaux, ce qui a causé plusieurs problèmes financiers et licenciements au passage.

En recrutant de nouveau Salah El Hajja, plus de trente ans après son départ, Assabah semble faire un clin d’œil au régime putschiste de Kaïs Saïed. Le journaliste est connu pour sa courtisanerie et son efficacité avec peu de mots et le journal passe par la pire difficulté financière de son existence. Il a déjà l’appui du président de la République qui entend le sauver coûte que coûte, sous prétexte que le quotidien fondé en 1951 fait partie de l’Histoire de la Tunisie. Avec Salah El Hajja, le journal est certain de séduire le régime et lui faire avaler la pilule du sauvetage.

Avec son premier billet, paru aujourd’hui, le ton est déjà donné et ne laisse pas de place au doute : « J’ai appris comment fermer ma bouche et avaler ma langue (…) le silence est mille fois plus expressif que la parole et les cris », écrit-il.

Pendant ce temps-là, des dizaines de journalistes tunisiens sont poursuivis en justice par le régime pour des faits liés à l’exercice de leurs fonctions et des dizaines d’hommes politiques sont en prison pour des faits fallacieux.

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