Réindustrialisation : Macron dévoile un gros projet dans la santé à Chartres
CHARTRES, FRANCE: Emmanuel Macron va dévoiler jeudi à Chartres (Eure-et-Loire) un investissement de plus de deux milliards d’euros du danois Novo Nordisk dans la production de médicaments pour le diabète et l’obésité, ajoutant ainsi un nouveau volet à la réindustralisation du pays.
Le chef de l’Etat, déterminé à se poser en « réformateur » et à peaufiner son bilan d’ici la fin du quinquennat en 2027 où il ne pourra pas se représenter, poursuit ainsi son offensive sur le terrain qu’il connaît le mieux, celui de l’économie.
Après le lancement d’un plan ambitieux autour des batteries électriques en mai à Dunkerque – 6,7 milliards d’euros d’investissements étrangers – place à la santé, avec un investissement de 2,1 mds d’euros supérieur à celui annoncé par Pfizer (1,5 md) en mai, relève l’Elysée.
Emmanuel Macron, accompagné des ministres de la Santé Aurélien Rousseau et de l’Industrie Roland Lescure, est attendu à 16H00 (15H00 GMT) sur le site de Novo Nordisk à Chartres pour sceller l’annonce.
En juin, il avait aussi présenté un plan de relocalisation de la production de médicaments afin de faire face à des pénuries structurelles – précipitées par la crise du Covid – des antibiotiques au paracétamol.
Le laboratoire Novo Norisk va doubler la superficie de son usine de Chartres à 230 000 m2 et créer « plus de 500 nouveaux emplois », qui s’ajouteront aux 1 600 déjà existants. Le projet devrait être finalisé en 2028, précise la compagnie.
Il va ainsi étendre la production du site, spécialisé aujourd’hui dans les cartouches et flacons d’insuline, à des traitements agissant sur l’obésité, en forte demande mondiale.
«Bataille»
L’obésité représente un enjeu sociétal et une opportunité de taille pour les acteurs pharmaceutiques les plus avancés dans ce domaine.
« Elle ne se résume pas à manger trop et ne pas bouger assez. Cela devient au cours du temps une vraie maladie chronique avec des résistances à la perte de poids », explique Karine Clément, professeure en nutrition à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpétrière à l’AFP.
Novo Nordisk est devenue première capitalisation boursière européenne devant le géant du luxe LVMH depuis septembre, grâce au succès de ses produits dérivés utilisés contre cette maladie difficile à soigner.
Rien que sur 2023, le groupe dit avoir investi dix milliards d’euros sur l’ensemble de son outil de production, en incluant l’usine « stratégique » de Chartres dont les traitements sont pris par plus de dix millions de diabétiques dans le monde chaque jour.
Ce faisant, il va aussi contribuer à la « bataille du commerce extérieur » de la France car 90 à 95% de sa production est exportée, souligne l’Elysée.
La France n’a plus connu d’excédent commercial pour les échanges de biens depuis 2002 et le déficit s’établissait à 54 milliards d’euros sur le premier semestre 2023.
Le médicament précurseur de Novo Nordisk dans l’obésité (« Wegovy ») est commercialisé aux Etats-Unis, au Danemark, en Norvège, au Royaume-Uni et depuis peu en Suisse. Le laboratoire compte demander sa certification en France en 2024.
«Evènement médiatique»
Emmanuel Macron, qui soigne ses contacts avec les PDG des grandes compagnies internationales, engrange ainsi une nouvelle victoire dans la bataille de « l’attractivité » sur l’échiquier européen.
Le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly vient de son côté d’annoncer un investissement de 2,3 milliards d’euros en Allemagne pour élargir sa production de médicaments contre le diabète.
Mais le chemin reste long et sinueux dans un contexte international agité et un environnement national qui a aussi ses contraintes.
« Ce n’est pas en faisant d’un investissement nouveau un événement médiatique que cela change la donne », avance Fréderic Bizard, spécialiste des questions de santé et professeur d’économie affilié à l’ESCP Europe, interrogé par l’AFP.
Le frein principal aux investissements étrangers en France reste « l’écosystème administratif et réglementaire » de la filière du médicament, selon lui.
Pour Patrick Biecheler, associé de la société de conseil Bain and Company, ces traitements pourraient néanmoins être étendus à d’autres maladies comme le foie gras et Alzheimer et offrent donc de multiples « perspectives de croissance ».