Offensive sioniste contre Gaza : Le traitement des médias occidentaux analysé et commenté par Sadok Hammami !

Dans le conflit israélo-palestinien, on entend souvent parler du « deux poids-deux mesures » … Si la guerre est menée de façon sanglante et inégale ; elle se joue également sur le terrain médiatique avec pour principale victime, le traitement distancié, nuancé et critique de l’information.
Entre un occident perçu de plus en plus comme pro-israélien et une opinion publique arabe qui ne cesse de dénoncer les exactions commises par l’entité sioniste, la fracture dans le traitement de l’information attise les débats et les tensions sur les écrans et dans les salles de rédaction.
Sadok Hammami, Professeur en journalisme et en communication politique nous livre son analyse sur la question.

Une fracture culturelle, politique et cognitive
En temps de crise, de guerre ou de conflit, les médias sont en première ligne quant à la couverture des événements aussi tragiques qu’ils soient. Pourtant, depuis l’escalade des violences au Proche-Orient, on reproche un traitement inégal au vu de la réalité et du contexte historique de cette guerre.
D’après Sadok Hammami, de manière générale, le traitement médiatique n’est souvent pas déconnecté du contexte culturel, politique et cognitif des sociétés.
« Pour la question du traitement de ce conflit, il y a une fracture culturelle, politique et cognitive entre les opinions publiques arabes et les opinions publiques occidentales. Il y a deux visions du monde et même de la justice. Les perceptions des faits sont radicalement opposées. Et cela va se répercuter naturellement dans le traitement médiatique. Les médias vont chercher à avoir acquérir une légitimité par rapport à leurs audiences. Ils se veulent des porte-voix de leur opinion publique et de leur société. De plus, ils sont inextricablement captifs d’univers émotionnels très puissants qui mettent en jeu les capacités des journalistes à conserver la possibilité de rendre compte de la vérité des faits… », nous dit-il.
Ainsi, dans ce contexte de guerre, l’attitude des médias tunisiens par exemple, est conforme aux choix politique du pays et aux penchants de l’opinion publique. « Ils vont plutôt chercher à répercuter l’opinion publique tunisienne telle qu’elle se manifeste et donc une opinion favorable à la cause palestinienne », souligne Hammami.
A contrario, les médias européens vont plutôt médiatiser des événements en phase avec les opinions publiques qui sont majoritairement favorables à Israël. Selon Sadok Hammami, en France notamment, il y a une convergence des médias, des opinions publiques et des choix des élites politiques. « D’ailleurs certains médias titrent souvent « Israël en guerre ». Cela montre que les faits sont rapportés à partir du point de vue Israélien », souligne le chercheur.
Toujours selon ce dernier, certains autres médias vont encore plus loin semblant être acquis totalement à la doctrine sioniste. « J’ai vu des analystes, censés analyser objectivement la situation, pleurer, en empathie totale avec Israël ».
Une injonction politique devenue une injonction médiatique
Le Hamas a été déclarée organisation terroriste par les puissances occidentales, laissant aux médias occidentaux une faible marge de manœuvre, au risque d’être accusés de faire l’apologie du terrorisme. «Dans l’Union Européenne et aux Etats-Unis l’injonction politique s’est muée en injonction éditoriale. Ainsi, toute approche éditoriale consistant à présenter et à expliquer le point de vue du Hamas est considérée comme apologie du terrorisme », confirme Sadok Hammami.
A cet égard, rappelons la récente plainte du ministère de l’Intérieur français à l’encontre d’une député du parti de la France Insoumise, accusée d’apologie du terrorisme qui avait affirmé lors d’une interview que le Hamas était un Mouvement de libération nationale.
« Le cadrage médiatique va s’appuyer sur des schémas culturels qui préexistent au cadrage médiatique », ajoute-t-il.
De plus, Hammami rappelle que la position des médias occidentaux est également régie par une sorte d’héritage de la seconde guerre mondiale, faisant référence aux pogroms perpétrés par l’Etat nazi à l’encontre des Juifs. « Le souvenir historique selon lequel Israël serait menacé par un nouveau pogrom se superpose au premier cadrage qui présente le Hamas comme un nouveau DAESH. Les médias occidentaux sont également toujours pris dans cette logique de bien contre le mal, cherchant ainsi à conforter l’opinion publique dans ses convictions ».
Le journalisme d’explication occulté par les médias occidentaux
Pour autant, certains médias se distinguent de cette approche générale. C’est le cas notamment de certains journaux français qui essayent de traiter la question de manière plus ou moins équilibrée. Tel est le cas du journal Libération qui a consacré sa Une aux victimes civiles de Gaza.
« On pourrait appeler cela du « journalisme compréhensif ». C’est un traitement de l’information qui sous-entend que le média en question cherche à comprendre le conflit. Cette approche on la retrouve, même si elle est très rare, dans la presse écrite ou dans certaines chaînes de télévision publiques », indique le chercheur en journalisme et en Sciences de l’information et de la communication.
Pourtant, Sadok Hammami rappelle qu’il existe des formats éditoriaux, dans les moments de crise qui permettent de parler des origines, des enjeux et du contexte actuel, qui permettraient d’expliquer mieux les choses. Un travail de contextualisation qui devrait être justement fait par les journalistes eux-mêmes. Il s’agit du journalisme d’explication.
« Malheureusement cette technique n’est pas mobilisée car dans l’esprit des rédactions des médias occidentaux, expliquer c’est excuser. Ils ne cherchent pas à comprendre, et c’est aussi pour cela que personne ne rappelle le contexte historique de ce conflit. On entend que très rarement les journalistes occidentaux dire que le droit à un Etat palestinien est bafoué et que la colonisation ne cesse de s’entendre dans les territoires occupés », affirme Hammami.
A noter que la couverture des médias occidentaux est impactée aussi par l’évolution des événements. « Le nombre de plus en plus élevé des victimes civils palestiniens, les manifestations dans les pays arabes et devant les ambassades occidentales amènent les rédactions à atténuer ce traitement émotionnel et hyper emphatique avec Israël et surtout à s’interroger sur les mobilisations des opinions publiques arabes et à évoquer une possible perte de la guerre de l’opinion publique par Israël, comme nous avons pu l’entendre sur certains plateaux télévisés ces derniers jours », conclut-t-il.