Moez Hadidane : le PLF 2024 essaie de préserver le rôle social de l’État
L’expert en économie, Moez Hadidane a considéré que le financement direct du budget de l’État par la Banque Centrale de Tunisie était possible par trois mécanismes : crédits accordés directement à l’État, autorisation d’un découvert pour le trésor de l’État ou intervention directe de la Banque centrale en procédant directement à l’acquisition de bons.
S’exprimant le 24 octobre 2023 durant « Expresso » de Wassim Ben Larbi sur Express Fm, Moez Hadidane a considéré que l’acquisition de bons du trésor par la Banque Centrale de Tunisie était la meilleure méthode de financement direct du budget de l’État. Pour ce qui est du projet de loi de finances 2024 (PLF 2024), l’expert en économie a indiqué que ce texte proposait une nouvelle taxe applicable aux établissements bancaires et financiers. Elle vise à mobiliser des ressources au profit de l’État.
Moez Hadidane a rappelé que l’impôt sur les revenus applicable à ces établissements était de 35%, en plus d’une contribution sociale de solidarité de 4%, soit un total de 39%. Le PLF 2024 prévoit un droit provisoire appliqué aux banques et établissements financiers égal à 4%. D’après lui, les taxes appliquées à ces établissements totalisent un taux de 43% de leurs revenus. M. Hadidane a considéré que cette mesure aurait dû exclure le secteur du leasing qui peine à réaliser des bénéfices. Il a, également, considéré que l’État essayait de préserver son rôle social et de veiller à la distribution de la richesse entre les différentes classes sociales.
« Prenons l’exemple du système des compensations. L’État veut le préserver, mais, il y a un problème de financement… Une redevance a été introduite au niveau des dérivés de lait… Elle a été appliquée aux fromages… Ceci vise à couvrir les dépenses de l’État en compensation de lait… Il y a, aussi, la question des hôtels et établissements touristiques qui profitent des compensations… Une taxe appliquée à leur chiffre d’affaires a été introduite… De plus, il y a eu révision de la taxe de séjour… Elle s’appliquera à tous les établissements touristiques », a-t-il ajouté.
Moez Hadidane a évoqué une focalisation sur le secteur de l’économie verte et des énergies renouvelables. Toute personne procédant à l’acquisition de parts dans ces entreprises aura la possibilité de bénéficier d’une déduction de l’assiette imposable. De plus, l’acquisition de matériel par des sociétés servant dans le secteur des énergies renouvelables permet de bénéficier d’une déduction supplémentaire de 30% de son amortissement. L’expert a, aussi, évoqué la réduction de la TVA des véhicules électriques de 19% à 7% et de 50% des droits de circulation et de première immatriculation.
Concernant l’évasion fiscale, le PLF 2024 propose de limiter l’application de l’incitation fiscale applicable lors de l’acquisition de terrain de construction à une seule fois. Moez Hadidane a évoqué un manque de mesures au sujet de la lutte contre l’irrégularité fiscale. L’expert a, également, évoqué une amnistie fiscale des impôts au titre des immeubles bâtis. Elle s’appliquera aux années fiscales précédant 2022. Néanmoins, en bénéficier nécessite le paiement de ces impôts au titre des années 2022, 2023 et 2024. L’impôt au titre de 2024 doit être payé dans son intégralité, alors que le PLF autorise la mise en place d’un calendrier de paiement pour 2022 et 2023.
Moez Hadidane a estimé que l’année 2024 sera difficile. Il a rappelé que la loi de finances 2023 prévoyait des prêts extérieurs à hauteur de 14,8 milliards de dinars. La loi de finances rectificative 2023 a fait passer ce chiffre à 10,5 milliards de dinars. 60% seulement de ce montant ont été collectés entre janvier-septembre 2023. Or, le PLF 2024 prévoit des prêts extérieurs à hauteur de 16,4 milliards de dinars. M. Hadidane a pointé du doigt la faible contribution des revenus non-fiscaux de l’État. Il a expliqué cela par les revenus limités des entreprises publiques. Plusieurs établissements du genre sont déficitaires et nécessitent une intervention de l’État.
Moez Hadidane a indiqué que la pression fiscale était élevée en Tunisie. L’État calcule la pression fiscale en divisant les revenus fiscaux par le PIB. Cette opération doit, selon lui, avoir lieu en utilisant le PIB formel, c’est-à-dire, en retirant près de 30% du PIB. Il a, également, appelé à l’élargissement de l’assiette fiscale et à intégrer le secteur informel en introduisant les caisses enregistreuses connectées et les factures électroniques.