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Macron ou le difficile rééquilibrage de la position française au Proche-Orient

BRUXELLES: Au Proche-Orient puis à Bruxelles jeudi, Emmanuel Macron s’efforce de préciser la position de la France après l’attaque du Hamas contre Israël – d’abord perçue dans le monde arabe comme trop alignée sur la ligne israélienne – en quête d’un équilibre qui reste délicat à trouver.

Faut-il y voir un signe? Alors que ses opposants, à gauche, l’appelaient à rendre à la diplomatie française sa « voix singulière » dans le conflit israélo-palestinien, c’est un chef de l’Etat à la voix enrouée qui a tenté, mardi et mercredi à Jérusalem, Ramallah, Amman et Le Caire, de porter une « initiative de paix et de sécurité » au destin incertain.

Un sillon qu’il devait continuer de tracer jeudi et vendredi au sommet de l’Union européenne, dans l’espoir d’être au point d’équilibre d’un bloc continental très divisé.

Avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou mardi, le ton est grave, les mots sont forts.

Le 7 octobre, « c’est une page noire de notre propre histoire », prononce le président français, rappelant que la France partage le « deuil » des massacres de l’organisation islamiste palestinienne en Israël – 35 Français tués et neuf portés disparus ou otages du Hamas, selon le dernier bilan.

«Magistère de la parole»

Depuis cette attaque qui a fait plus de 1.400 morts en Israël et 200 otages, essentiellement civils, Paris soutient le « droit d’Israël à se défendre » et d' »éliminer » le « groupe terroriste Hamas », dans le « respect » du droit international.

Une position jugée par la gauche française comme trop alignée sur celle d’Israël ou des Etats-Unis.

Dans le monde arabo-musulman, la colère monte aussi à mesure que les représailles militaires israéliennes se traduisent par la mort de civils en nombre – le Hamas affirme que plus de 7.000 personnes ont été tuées à Gaza en 20 jours de guerre. Des manifestations antifrançaises ont eu lieu à Tunis, Téhéran et même en Cisjordanie mardi, en marge de la visite d’Emmanuel Macron, dont un portrait a été brûlé.

« Ce qui restait à la France, c’était le magistère de la parole, le pouvoir de faire entendre la voix du Sud auprès des Occidentaux », relève Karim Bitar, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques. Une voix « non alignée » portée en leur temps par les anciens présidents François Mitterrand ou Jacques Chirac, mais que nombre d’observateurs n’ont pas retrouvée ces deux dernières semaines.

Au cours de la tournée, leur lointain successeur a opéré un « léger rééquilibrage », constate cet expert.

L’objectif est aussi de politique intérieure pour Emmanuel Macron, qui redoute l’importation du conflit en France, où cohabitent d’importantes communautés juive et musulmane.

Son effort est d’abord brouillé par sa proposition surprise: utiliser la coalition internationale contre le groupe Etat islamique en Syrie et en Irak pour combattre « aussi » le Hamas.

Gages

L’accueil de ses interlocuteurs semble pour le moins mitigé. Ni Benjamin Netanyahou, ni le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ni le roi de Jordanie Abdallah II, ni le chef de l’Etat égyptien Abdel Fattah al-Sissi ne citent cette idée à ses côtés.

« Cette initiative est apparue à beaucoup comme étrange et peu praticable », relève l’ex-ambassadeur Denis Bauchard, de l’Institut français des relations internationales. « Aucune dirigeant arabe ne peut aujourd’hui condamner le Hamas, soit par croyance, soit pour des raisons d’opinion publique. »

Au fil de sa tournée, Emmanuel Macron rectifie le tir, parle de « coopération renforcée en matière de renseignement », et inclut cette suggestion dans une plus vaste « initiative » pour raviver l’idée moribonde de deux Etats israélien et palestinien.

S’il affirme, la mine fermée, que Mahmoud Abbas avait bien, dans le huis clos de leur tête-à-tête, « condamné le Hamas » – ce que le dirigeant palestinien s’est abstenu de faire en public à ses côtés – le président français donne aussi des gages à ses interlocuteurs arabes.

Une opération terrestre « massive » d’Israël dans le territoire palestinien serait « une erreur », affirme-t-il au Caire.

« La France ne pratique pas le double standard », « une vie palestinienne » vaut « une vie israélienne », martele-t-il, estimant que « rien ne saurait justifier » les « souffrances » des civils à Gaza et annonçant un renforcement de l’aide humanitaire française.

Proche allié de Paris dans la région, le président Sissi remercie chaleureusement.

Mais contrairement à son gouvernement et ses propres conseillers, Emmanuel Macron ne va pas jusqu’à réclamer une « pause » ou « trêve humanitaire ».

« La trêve humanitaire aurait été perçue comme le minimum au Sud », estime pourtant Karim Bitar, jugeant que ces efforts risquent de s’avérer « insuffisants à ce stade pour régler le malentendu ».

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