Logement social: la mairie de Paris veut inciter l’Etat à plus de collaboration
PARIS: La mairie de Paris a inauguré cette semaine au cœur du très riche VIIe arrondissement un nouvel ensemble de 254 logements sociaux, qu’elle a érigé en modèle de la coopération qu’elle attend du gouvernement en la matière.
A quelques pas de l’Assemblée nationale, l’Ilot-Saint-Germain, sa crèche et son ensemble sportif, aménagés dans d’anciens bureaux du ministère des Armées, constituent « une opération exemplaire de ce que nous pouvons faire de mieux lorsqu’on peut avancer main dans la main avec les pouvoirs publics », s’est réjouie Anne Hidalgo.
Fière d’afficher un taux de 25% de logement social, la maire socialiste entend même pousser l’Etat à passer, selon ses mots, « de la procrastination à l’action réelle », à l’heure où de plus en plus de Français peinent à se loger, notamment pour cause de restrictions aux crédits immobiliers.
Les premiers locataires de l’Ilot-Saint-Germain sont ravis d’avoir pu élire domicile au cœur de la capitale.
« J’en avais pour plus d’une heure pour aller au travail, à présent c’est trente minutes », s’est félicité Gakou, éboueur de la mairie de Paris dans le IIIe arrondissement.
« Je vais vous dire cash, ce n’est pas un quartier populaire (…) j’ai découvert les livraisons » à domicile, ironise Fouad employé au ministère des Armées.
Actuellement, 700 000 des 2,15 millions de Parisiens (chiffre Insee pour 2022) vivent dans des logements sociaux et la municipalité dénombre 200 000 demandeurs.
«Très bon résultat»
Le site de l’Ilot-Saint-Germain, ancien bâtiment du ministère de la Défense, a été racheté par la Ville à un prix dérisoire pour le marché parisien: 29 millions d’euros pour 11 000 m2 habitables, soit un rabais de 57 millions d’euros.
Une bonne affaire rendue possible par la décote « Duflot », du nom de la ministre du Logement de François Hollande, instaurée en 2013, qui permet à l’Etat de céder terrains ou immeubles à bas prix pour y construire des logements.
« On a fait équipe et il faut qu’on continue à appliquer les décotes de manière bien pensée », avait affirmé jeudi Mme Hidalgo devant le préfet de Région Marc Guillaume.
« C’est un exemple de temps, d’investissement et de travail la main dans la main avec un très bon résultat », a reconnu M. Guillaume, déterminé à poursuivre sur cette voie. « Ça nous intéresse, on y travaille avec eux », a-t-il confié à l’AFP.
La mairie s’intéresse à trois sites dans les IIe, IVe et Ve arrondissements, un potentiel de 350 logements.
Mme Hidalgo a interpellé le nouveau ministre du Logement Patrice Vergriete, en se disant « partant(e) pour l’accompagner » dans ces opérations.
Cette collaboration ne va pourtant pas de soi.
Mercredi, le premier adjoint de la mairie de Paris Emmanuel Grégoire a déploré devant la presse les relations « grippées » de la mairie avec le gouvernement, déplorant que, depuis 2017, il « ne veut plus pratiquer aucune décote ».
Objectif 30%
Féroce cheffe de file de l’opposition à Anne Hidalgo, la maire du VIIe arrondissement Rachida Dati (LR) n’y est pas favorable. Elle estime que l’importance du coût, porté par l’Etat, en fait « un modèle (qui) n’est pas duplicable et c’est pour cela que de tels projets restent exceptionnels ».
Depuis 2008, le taux de logement social dans le VIIe est passé de 1,2% à 3%, un « chiffre (qui) s’explique par le peu de foncier disponible (…) dans un arrondissement déjà très dense, où siègent de nombreuses institutions », selon l’ancienne garde des Sceaux.
Sa collègue Valérie Montandon (LR) ne souhaite pas aller au-delà du taux de 25% de logement social imposé par la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) aux communes de plus de 15 000 habitants.
Elle estime que ce chiffre assure « un bon équilibre » au-delà duquel « il faut arrêter d’en produire et vendre une partie du parc pour développer le logement intermédiaire ».
Comme l’a rappelé l’adjoint PCF chargé du logement, Ian Brossat (PCF), la municipalité vise un objectif de « 30% de logements sociaux (…) à l’horizon 2035 ».
Pour y parvenir, elle entend monter en 2024 à 300 millions d’euros – contre 86 millions en 2014 – le budget du compte foncier lui permettant de préempter des bâtiments.
Une « foncière pour le logement abordable » doit également être créée pour « permettre aux classes moyennes de louer des logements à -25% par rapport aux prix du marché », avec un objectif fixé de 320 locations par an.