La friperie entre contrebande et infractions
Seul recours pour les petites et moyennes bourses, la friperie constitue une bonne alternative face à un pouvoir d’achat qui s’effondre, une inflation galopante, les prix exorbitants du prêt-à-porter et le manque de choix dans les boutiques. Le secteur n’offre pas uniquement des vêtements de seconde main, on y trouve de tout ; chaussures, ceintures, vaisselle, équipements sanitaires… Certains produits sont pourtant interdits de commercialisation en Tunisie ; les chaussures et les jouets, entre autres.
Selon le porte-parole de la Douane tunisienne, Chokri Jabri, la friperie arrive en Tunisie en l’état d’origine, c’est-à-dire non triée. Les sacs arrivent tels qu’ils ont été collectés à l’étranger. L’idée étant de créer des emplois et de faire travailler la main d’œuvre en Tunisie. « Ce qui est déjà trié ne quitte même pas le port. Le reste part à l’usine où il est trié (…) Tout ce qui est en cuir est mis de côté pour être ensuite détruit à l’usine ou réexporté. Pour les vêtements, une partie part à la consommation locale, l’autre à l’export et le reste à la déchetterie », a-t-il expliqué au micro de Hatem Ben Amara lors d’une intervention dans la matinale de Jawhara FM.
La loi tunisienne exige de l’exploitant de « réexporter les chaussures, les couvre-chefs, les espadrilles, les jouets et les sacs à main usagés importés accidentellement dans les balles de friperie ». « Il doit réexporter ou détruire les déchets. Sont considérés comme déchets, les chaussures, les couvre-chefs, les espadrilles, les jouets et les sacs à main usagés importés accidentellement dans les balles de friperie ».
Si nous trouvons, tout de même, des chaussures de seconde main dans les étalages, c’est qu’une partie des quantités triées et supposées être détruites, est écoulée sur le marché noir par les usines de tri. « En 2023, nous avons saisi 45 tonnes environ de chaussures de seconde main », a-t-il indiqué assurant qu’éradiquer la contrebande relève de l’impossible.
D’autres types d’infractions sévissent dans le secteur. Revenant sur la question de la dernière décision de la Direction générale des douanes au sujet de l’attestation d’achat à destination des professionnels de la friperie, il a avancé que le processus avait atteint ses limites et n’était plus fiable. Il a ajouté que la nouvelle procédure ne constituerait, en aucun cas, une entrave à l’activité des grossistes.
« L’attestation d’achat sert à contrôler la conformité entre la quantité mentionnée sur l’attestation et celle transportée par le grossiste. Or, selon les audits réalisés et les statistiques dont nous disposons, il a été prouvé que ce circuit n’est pas suffisant pour contrôler la marchandise depuis son départ de l’usine jusqu’à son arrivée sur le marché ; l’attestation étant rédigée à la main peut faire l’objet de falsification », a-t-il précisé notant que pour renforcer le contrôle, les professionnels de la friperie devront, dorénavant, obtenir la signature et le cachet rond du Bureau régional de la Douane au lieu de se contenter de celle de l’agent de la Douane présent à l’usine de tri. Une copie originale de l’attestation sera ainsi gardée par les services de la Douane et une copie conforme sera délivrée au grossiste, selon le porte-parole de la Douane.
Les professionnels de la friperie ont, rappelons-le, contesté cette décision assurant que cette nouvelle procédure bloquerait leurs activités. Ils ont, également, reproché à la Douane la hausse des tarifs pour expliquer les augmentations des prix qu’ils appliquent. Interpellé à ce sujet, Chokri Jabri a assuré que les tarifs de la Douane n’avaient pas augmenté, contrairement à ce que prétendent les professionnels du secteur. « La seule hausse opérée est d’un dinar sur chaque kilo tel que mentionné dans la loi de finances. Ce n’est pas la Douane qui a révisé les prix. C’est la loi de finances qui fixe les taxes », a-t-il indiqué.