Elisabeth Borne, «Madame 49.3», saison 2
PARIS: Élisabeth Borne s’apprête à déclencher cette semaine son quatorzième 49.3, sur le Budget de la Sécurité sociale, une marque de fabrique pour un gouvernement minoritaire qui scandalise les oppositions et contrarie aussi une partie de sa majorité.
Scène ordinaire de la vie parlementaire française. Le 18 octobre, Élisabeth Borne annonce un nouveau 49.3, sur la première partie du Budget. La Première ministre n’a pas fait dans le détail: un discours de trois pages, expédié en cinq minutes. Et encore: l’intervention aurait pu être plus courte sans une interruption grossière du député Rassemblement national Jean-Philippe Tanguy.
A peine le discours achevé, les ministres présents quittent le banc du gouvernement. « Messieurs les ministres ! Je n’ai pas fini la séance, elle n’est pas levée », les rabroue la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet.
Le 49.3, une formalité ? « On sait qu’on n’a pas de majorité. (…) Comment faire sans 49.3 ? Il n’y a pas de solution », évacue le ministre délégué aux Comptes Publics, Thomas Cazenave.
La même scène, ou presque, va se reproduire immanquablement cette semaine sur le Budget de la Sécurité sociale. Comme pour le Budget de l’Etat, le gouvernement a tout de même laissé le temps de la discussion générale, avant l’examen des articles.
Pourquoi ouvrir une discussion quand tous les acteurs savent que Mme Borne viendra la clore avant son terme ? « Si je vous disais qu’il y aura un 49.3, ça ne sert à rien que les députés aillent dans l’hémicycle. Or c’est important qu’ils y aillent », expliquait lundi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.
Son collègue dédié aux Relations avec le Parlement, Franck Riester, l’expliquait avant la reprise des travaux parlementaires: il faut « dédramatiser l’usage du 49.3 », cet outil constitutionnel né avec la Ve République qui permet l’adoption d’un texte sans vote, sauf si une motion de censure venait renverser le gouvernement.
Une arme qui possède aussi un autre avantage: permettre au gouvernement de garder la main sur les amendements, des oppositions comme de sa propre majorité.
On découvre des amendements
Sur le Budget, « il y avait des amendements, tant en dépenses qu’en recettes, qui avaient été votés avec le MoDem (allié du gouvernement, NDLR) et les oppositions, que ce soit sur la taxation du rachat d’actions, des dividendes, le crédit impôt pour les personnes âgées en maison de retraite. Ces amendements sont votés avec une large majorité, et au final, avec le 49.3, on découvre qu’ils ne sont pas retenus par le gouvernement », explique la députée socialiste Christine Pirès-Beaune.
« En même temps, on découvre des amendements dont on n’a jamais entendu parler », ajoute-t-elle. Comme celui réservant des conditions fiscales très avantageuses aux fédérations sportives comme la Fifa, dont « il paraît que même le premier signataire n’avait pas entendu parler ».
L’intéressé, le député Renaissance Belkhir Belhaddad, a d’abord affirmé à l’AFP être « totalement contre » cet amendement dont il n’était pas « pas à l’origine ». Avant d’expliquer une heure plus tard en comprendre « le sens ».
Jusqu’à présent, les motions de censure s’enchaînent, souvent tard le soir, dans l’indifférence générale. Et échouent. En mars sur la réforme des retraites, le gouvernement était passé à neuf voix près de la catastrophe.
Une députée de la majorité se dit « convaincue » qu’une motion de censure « finira par passer ». « On voit bien qu’on ne peut pas tenir quatre ans comme ça », renchérit un parlementaire Renaissance.
Prochaine frayeur sur le projet de loi immigration ? Sur ce texte ensablé depuis un an, l’exécutif et Les Républicains continuent leur poker menteur. Les LR ont menacé d’une motion de censure, ce qui augmenterait les chances d’adoption. Devant les parlementaires de la majorité, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est dit mardi opposé à l’emploi du 49.3.
Pas question pour autant de changer de méthode. Cet été, Emmanuel Macron a écarté le scénario d’une coalition. « On ne peut constituer que des majorités de projet, ce qui n’est pas grave ! La preuve, ça marche depuis un an. N’oublions pas que la France a été réformée entre 1958 et 1962 avec une majorité relative ». C’est aussi le seul gouvernement de la Ve République à avoir été renversé.