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Ahmed Souab : la proposition de loi sur la criminalisation de la normalisation reflète un certain amateurisme

L’ancien juge et avocat, Ahmed Souab a qualifié ceux ayant élaboré la proposition de loi de criminalisation de la normalisation d’amateurs. Il a pointé du doigt une défaillance au niveau du contenu, notamment à cause de l’aspect politique exagéré. Il a conclu que les experts en droit n’ont pas été invités à participer à l’élaboration du texte.

Dans une interview publiée le 31 octobre 2023 par le journal Acharaa Magharibi, Ahmed Souab a estimé que la soumission de la proposition de loi à la plénière sans consulter le conseil provisoire de la magistrature était une autre forme d’amateurisme de la part de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Il a rappelé que le texte mettait en place des sanctions pénales allant de six mois de détention à la prison à vie. Il a, également, indiqué que l’ARP a essayé de se rattraper en consultant, par la suite, le conseil.

Ahmed Souab a assuré que la consultation du conseil provisoire de la magistrature était obligatoire et que l’ARP était amenée à appeler ce dernier à se réunir afin d’émettre son avis au sujet de la proposition de loi tout en fixant un délai raisonnable. Il a expliqué que le même processus avait été appliqué au sujet de la loi de conciliation pénale en 2022. Il a estimé que la tenue d’une plénière le 2 novembre 2023 portant sur la criminalisation de la normalisation était peu probable.

L’avocat a critiqué la criminalisation des relations avec les juifs soutenant la cause palestinienne ou avec des peuples arabes ayant choisi de normaliser. Il a, aussi, évoqué la question des binationaux qu’ils soient Tunisiens ou non. Ahmed Souab s’est interrogé sur l’application de cette loi aux entreprises européennes ayant des liens commerciaux avec la Tunisie et dont les propriétaires, les dirigeants, les actionnaires ou les fondateurs étaient israéliens. Il a indiqué qu’il s’agissait d’une forme de normalisation.

Ahmed Souab a exprimé ses inquiétudes quant à l’application, dans le futur, de cette loi. Il a évoqué l’exemple de la loi de lutte contre le terrorisme ayant été exploitée et appliquée à des personnalités politiques telles que Issam Chebbi et Ghazi Chaouachi. L’avocat a, aussi, cité l’exemple des événements survenus durant l’été dernier et en lien avec l’artiste, Emel Mathlouthi. Cette dernière a été invitée par des Palestiniens à tenir des prestations artistiques à Al-Quds, Ramallah et Bethléem. Par la suite, elle a été accusée de normalisation et on a annulé son concert prévu dans le cadre du Festival de Hammamet. Il a, aussi, critiqué l’application d’une sanction pénale, à savoir une peine de prison de six ans, pour les personnes participant de bonne foi à une conférence scientifique ou une rencontre de football dont l’un des participants est Israélien.

L’interprétation de la loi, en cas d’adoption, consacrera, d’après l’avocat, l’impunité pour les personnes coupables de normalisation et l’injustice pour d’autres. Ahmed Souab a estimé que la rédaction d’une proposition de loi portant sur la criminalisation de la normalisation était difficile à faire en raison des nombreux domaines concernés (artistique, militaire ou encore commercial). La chose serait encore plus complexe que la rédaction d’une nouvelle constitution. Il a poursuivi en assurant que s’il existait une cour constitutionnelle, le texte serait rejeté en raison de son inconstitutionnalité. Il pourrait se transformer en cas d’étude des exemples de loi à ne pas rédiger.

Ahmed Souab a mis l’accent sur l’importance de la clarté et de l’efficacité des textes de loi et sur la complexité de la question de la normalisation. La rédaction d’une proposition de loi traitant ce sujet doit passer par des débats et des consultations. Elle ne doit pas faire l’objet de surenchères tel que l’avait fait la Tunisie lors de l’Assemblée générale des Nations Unies du vendredi 27 octobre 2023 portant sur la résolution « La protection des civils et le respect des obligations juridiques et humanitaires » (en rapport avec la situation à Gaza). Le Hamas avait appelé à l’adoption de cette résolution. Or, et contre toute attente la Tunisie s’est abstenue et a appelé à la prise d’une position plus claire.

Ahmed Souab a indiqué que les lois basées sur le côté émotionnel conduisaient à des injustices. Il a cité l’exemple du décret n°54 apte à de larges interprétations et ayant été injustement appliqué à l’encontre de plusieurs individus. Ce genre de lois finit par être abandonné tel que la loi relative à la restitution des biens spoliés à l’étranger ou la loi de conciliation pénale dont l’application prend fin à la date du 10 novembre.

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