Abdelkader Boudriga : la Tunisie doit préserver ses compétences
Le professeur en économie, Abdelkader Boudriga a considéré que la Tunisie faisait face à de grands enjeux et qu’elle devait saisir les occasions se présentant devant elle. Il a estimé que la Tunisie n’avait pas su exploiter plusieurs opportunités dans le passé.
Invité le 19 septembre 2023 à « Expresso » de Wassim Ben Larbi sur Express Fm, Abdelkader Boudriga est revenu sur l’indice de complexité économique élevé en Tunisie par rapport aux pays africains et arabes. Il a indiqué que la richesse créée était inférieure à la complexité économique.
« Le plus grand défi auquel la Tunisie puisse faire face est la préservation des compétences… Je ne parle pas seulement des médecins, des ingénieurs et des diplômés de l’enseignement supérieur. Je parle aussi des artisans, des électromécaniciens, les conducteurs d’engins dans les usines ou encore les soudeurs… Chaque personne a le droit de quitter le pays. Néanmoins, ceci représente à l’échelle macroéconomique un défi pour le pays », a-t-il déploré.
Abdelkader Boudriga a expliqué que les programmes et lignes de financements à eux seuls ne suffisaient pas. Il a insisté sur l’importance de la disponibilité de la main-d’œuvre. Il a indiqué que la situation géopolitique était en faveur de la Tunisie et lui permettait de jouer un rôle important dans l’espace euroméditerranéen et africain et dans ses relations avec l’Europe.
« Nous avons perdu notre productivité durant les dix dernières années. La croissance économique peut être réalisée par trois voies. On peut réaliser une croissance démographique en ayant plus de naissances, or ceci est actuellement impossible en raison de notre taux de croissance inférieur à 1%.
On peut agrandir la population active, c’est-à-dire, les employés ou les personnes cherchant un emploi. Ce chiffre en Tunisie est aux alentours de 55% soit près de 4,5 millions. Plus de 8 millions de personnes sont en âge d’activité. 4,5 millions travaillent ou cherchent un emploi… Seulement 27% des femmes en âge d’activité travaillent… La troisième voie sera la hausse de la productivité… Il y a de l’espace pour manœuvrer puisque la productivité a diminué durant les dernières années », a-t-il ajouté.
Abdelkader Boudriga a assuré que la Tunisie avait du potentiel et a appelé à la réinstauration de la politique du travail. Il a considéré qu’aborder des sujets négatifs ne pouvait pas faire évoluer le pays. La Tunisie doit, selon lui, libérer les énergies positives. Ceci est possible à travers la prise de décisions adéquates. Celles-ci pourraient s’avérer être coûteuses pour les citoyens.
Le professeur en économie a estimé que la question des limitations des transferts d’argent vers les étudiants tunisiens se trouvant à l’étranger de septembre à juin devait être revue. Cette mesure est contournée par les parents afin de subvenir aux besoins de leurs enfants durant le reste de l’année.
« Singapour, afin de combattre la pollution et pousser les gens vers le transport public, a adopté deux politiques. La première est celle des quinze minutes : chaque citoyen doit avoir accès aux moyens de transport public toutes les quinze minutes. Parallèlement à cela, la voiture vaut entre 200.000 et 250.000 dollars. Le citoyen ayant son permis et voulant conduire doit payer le droit de conduite qui s’élève à 60.000 euros par année. Singapour, après dix ans, est le pays avec le plus faible nombre de propriétés de voiture. Seulement 11% de la population possède une voiture », a-t-il dit.
Abdelkader Boudriga a expliqué que cette politique avait permis de rendre un comportement nuisible à la société. Citant toujours le même exemple, le professeur en économie a indiqué que ce pays avait combattu la propagation des fast-foods en mettant en place un programme d’appui aux restaurateurs offrant une nutrition équilibrée et saine. Il n’y a pas eu de campagne publicitaire s’opposant aux fast-foods, car l’État était conscient de l’inefficacité de ce genre de mesures.
Revenant sur la question de la disponibilité de PayPal en Tunisie, Abdelkader Boudriga a indiqué que les jeunes tunisiens y avaient accès et possédaient des comptes. Néanmoins, ils sont dans l’obligation de contourner les procédures et la loi pour bénéficier de ce service. Il a affirmé que le Tunisien était prêt pour changer. Il a cité comme preuve l’attitude des Tunisiens à l’étranger.
Abdelkader Boudriga a appelé à la restauration de la relation de confiance avec les investisseurs. Il a indiqué que 16.000 entreprises étaient créées chaque année en Tunisie. Ce chiffre peut atteindre la barre des 60.000 et 70.000, selon lui. Il existe deux entreprises par 1.000 adultes par an. Ce chiffre s’élève à 25.000 entreprises en Estonie et à 17.000 au Chili. Il a assuré que ceci était possible.