À l’Assemblée, Gérald Darmanin tente une opération séduction sur la loi immigration
PARIS: Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin est entré mardi dans l’arène de l’Assemblée pour défendre son projet de loi sur l’immigration, face à des oppositions sévères et à une majorité elle-même prudente.
Le locataire de la place Beauvau, à la recherche depuis des mois d’une « voie de passage » au Parlement sur ce texte, a été entendu par la commission des Lois, et a répondu aux interpellations des différents groupes.
Semblant vouloir adresser des clins d’oeil à la gauche, alors que le texte a été fortement durci par la droite lors de son adoption au Sénat, M. Darmanin a dit vouloir lutter contre un « écosystème qui permet l’immigration irrégulière », et qui va des « passeurs qui sont des marchands de misère (…) jusqu’à ceux qui les logent dans des conditions inacceptables ».
Il a salué un amendement du sénateur communiste Ian Brossat pour accorder « un titre de séjour temporaire à une personne qui dénoncerait son marchand de sommeil ».
M. Darmanin a également répondu favorablement à une demande du groupe indépendant Liot sur la territorialisation du projet de loi dans les outre-mer, se félicitant par avance du soutien de ce groupe qui ne fait pas partie de la majorité.
Sans critiquer frontalement la copie sénatoriale, alors qu’il espère rallier une partie des députés LR au projet, M. Darmanin a souligné que certains ajouts sénatoriaux seraient considérés comme des « cavaliers législatifs » inconstitutionnels et retoqués, à l’Assemblée ou au Conseil constitutionnel.
« Certaines boursouflures ne résisteront pas à un œil avisé », avait prévenu le président de la Commission Sacha Houlié, classé à l’aile gauche de Renaissance, dénonçant des « ajouts politiques regrettables » au Sénat, comme la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME).
Sans surprise, l’extrême droite a vivement critiqué le texte, qui promouvrait sous la « sévérité affichée » une forme de « laxisme migratoire », selon le député Rassemblement national Yoann Gillet. En particulier les mesures de régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, qui vont aboutir à une « vague de régularisations de clandestins ».
La gauche radicale a elle dénoncé par la voix d’Elisa Martin (LFI) un « projet de division », qui fait de l’étranger un « criminel », du migrant un « humain aux moindres droits ».
Pour EELV, Benjamin Lucas a accusé le ministre de l’Intérieur d’être prêt à « sacrifier (sa) promesse d’équilibre à toutes les compromissions à la droite radicalisée ».
«Inquiétudes» à droite
La position de la droite était particulièrement attendue, et elle est apparue nuancée. Oratrice du groupe LR, Annie Genevard a estimé qu’il fallait aller « du côté de la fermeté » et a souligné que le Sénat s’y était « employé ».
« Qu’en ferez vous? Les premières déclarations de membres de votre majorité, et ce soir encore, permettent de nourrir bien des inquiétudes », a-t-elle mis en garde, en demandant une nouvelle fois une « réforme de la Constitution » qui seule « redonnera à la France le droit d’accueillir sur son sol qui elle veut ». Le ministre énumérant en retour toutes les dispositions du texte susceptibles de convaincre la droite et qui ne dépendent pas de la Constitution.
Du côté de la majorité, le rapporteur Florent Boudié a réaffirmé sa volonté de parvenir à une nouvelle écriture de l’article sur les régularisations, de manière à trouver « une solution qui ne soit ni le droit automatique, général et absolu qui pose une série de difficultés réelles, ni le pouvoir discrétionnaire du préfet tel que le Sénat a pu le prévoir ».
L’un des rapporteurs, la députée Elodie Jaquier-Laforge (MoDem), a affirmé qu’elle proposerait le rétablissement de l’article 4, supprimé par le Sénat, sur la possibilité donnée aux demandeurs d’asile de certains pays de travailler dès le dépôt de leur demande.
Guillaume Gouffier Valente (Renaissance) a dit les « désaccords » de son groupe sur certaines dispositions ajoutées au Sénat. « Nous ne pourrons accepter les dispositions introduites sur l’AME, sur le droit de la nationalité, sur les mineurs non accompagnés, la restriction de l’accès aux prestations sociales », a-t-il prévenu.
Le texte sera examiné en commission la semaine prochaine, puis dans l’hémicycle le 11 décembre, pour deux semaines. Les discussions pourraient théoriquement se poursuivre en janvier, l’opposition ayant majoritairement refusé de limiter la durée des débats.