#National

38e anniversaire du décès de Béchir Salem Belkhiria : quelles leçons tirer de la vie d’un pionnier ?

En ce 26 novembre 2023, date du 38e anniversaire de la disparition de Feu Béchir Salem Belkhiria, le moment est certes propice pour tous au recueillement à sa mémoire mais surtout à la lecture perspicace et capitalisante de sa vie pour comprendre pourquoi et comment, dans une vie si courte de 55 ans seulement, il a pu marquer de ses multiples empreintes la vie économique, sociale, sportive…du pays. Et le vécu de chacun par rapport à ses propres centres d’intérêt. Tellement son apport pour dynamiser l’essentiel des secteurs de l’économie et la plupart des facettes de la vie sociale de la Tunisie a été déterminant.  

La vie et l’œuvre de Si Béchir, comme le désignent et l’appellent si affectueusement tous ceux, très nombreux, qui lui vouent un respect illimité de son vivant et surtout le long de ces années après son décès, restent un livre ouvert dont les chapitres sont toujours à découvrir et même à cerner.

Durant les décennies décisives 60, 70 et 80 ayant marqué la mobilisation de tous pour le développement du pays selon des visions et des choix socio-économiques opposés et même contradictoires allant du libéralisme au collectivisme, les options de la croissance socio-économique de la Tunisie pour Si Béchir  doivent se distinguer par leur ancrage dans l’évolution socio-économique du pays dans le cadre de certaines tendances internationales…balbutiantes et difficilement identifiables pour la plupart mais claires pour Feu Béchir Salem Belkhiria. Et nettement et résolument admises, partagées et reconnues comme étant incontournables par les temps qui courent.

Ses convictions socio-économiques qu’il souhaitait voir adoptées par les décideurs à l’époque ont pour noms : option résolue pour un libéralisme économique éclairé, diversification et élargissement des échanges économiques de la Tunisie avec une ouverture réelle et assumée sur le Sud Est Asiatique, modernisation industrielle avec le choix avant terme de la normalisation favorisant la production en masse et la concurrence des produits, développement agricole intégré, pari sur l’invention et l’innovation, ouverture sur certaines disciplines sportives s’adaptant le mieux avec le caractère du Tunisien tel que le rugby…

Dans son esprit et dans sa démarche entrepreneuriale, Si Béchir a toujours voulu favoriser ces trois dimensions complémentaires et devant inéluctablement produire l’effet dynamiseur escompté sur l’économie du pays et sur le bien-être des Tunisiens, tous les Tunisiens à l’exclusion de toutes formes de distinctions ou de favoritisme d’ordre régional, familial, intellectuel…

Ces trois dimensions que nous distinguons une à une pour une meilleure perception pédagogique de l’ensemble de l’œuvre de Si Béchir mais qui ont imprimé le rythme de sa vie et mobilisé son énergie ensemble et séparément selon les circonstances et l’actualité de l’époque ont donc pour noms :

–          Communiquer sur les choix socio-économiques qui doivent être ceux du pays et de tous les Tunisiens, choix fondés par rapport à ses convictions « socio-libérales » et ce à travers les projets de communication qu’il a favorisés tels que ouvrages, articles de presse qu’il a publiés ou  suscités, conférences qu’il a données et animées, au point de le voir partir à l’au-delà juste après avoir donné en anglais une conférence à la Faculté des Sciences de Monastir sur le thème des « relations entre l’université et le monde des affaires ».

–          Réaliser et créer par lui-même des entreprises avant-gardistes et dans tous les secteurs, en prolongement à ses convictions socio-économiques libérales intégrées à la réalité du pays et par rapport à l’évolution de certains pays dont la Tunisie aurait dû en faire un exemple phare pour son développement tels que les pays du Sud Est asiatique et dont l’évolution commençait à lui donner raison, déjà de son vivant.

–           Etre à l’origine de la création de projets modèles agricoles, industriels, en matière de formation, dans le secteur des services…juste pour donner l’exemple, ouvrir la voie et inciter toutes les parties prenantes administratives,  entrepreneuriales, sectorielles, régionales…du pays, à s’y investir et à participer à favoriser ici et là la naissance et la prospérité de projets multiplicateurs intégrés et prospères.

Pour tous les promoteurs tunisiens, Si Béchir a mis si haut, voire à un niveau difficilement accessible, la barre indiquant et mesurant l’efficacité de leur participation dans le développement socio-économique et culturel de leur pays. Et ce non pas en termes quantitatifs mais dans le cadre d’une approche intellectuelle, pratique et globale consciemment et consciencieusement ressentie, exprimée et suivie méthodologiquement et consolidée d’année en année par lui-même. En si peu de temps. Et dont nous avons essayé de présenter le contenu et le déroulement selon trois dimensions ou chapitres, selon une distinction juste pédagogique

Près de quatre décennies après la disparition de Si Béchir, le moment est on peut plus propice pour comprendre et cerner les multiples facettes de sa vie et de son œuvre multidimensionnelle, toujours par rapport à ce qui lui est le plus cher : donner l’exemple par les exemples, propager cet exemple par tous les moyens intégrés de la communication…Toute une vie, une approche et un modèle dont il s’agit de s’inspirer, autant que faire se peut.   

Volet communication

Avec le recul que nous permettent maintenant la lecture et l’analyse de ses nombreuses actions et réalisations, force est de constater que la communication avec ses multiples facettes a permis à Si Béchir de faire partager ses convictions en matière de développement.

Ses actions de communication ont conjugué et concerné la plupart des moyens dont les ouvrages de vulgarisation tels que « Des Industries à notre Portée » où il décrit comment la dynamisation industrielle de la Tunisie est possible, voire aisée si l’administration favorise l’émergence et l’avènement d’un environnement incitateur à l’initiative industrielle devant bannir la lourdeur et la main-mise administratives héritées de l’époque coloniale. Il y a lieu de citer aussi le lancement du journal « Al Anwar » qui a connu un grand rayonnement, les communications périodiques ou épisodiques qu’il a données sur des thématiques liées aux choix les meilleurs selon lui pour assurer la prospérité économique du pays, les interviews développant divers thèmes économiques, sous l’angle de la libéralisation économique et l’encouragement de l’initiative dans le cadre d’une administration soutenant et non accablant l’entreprise…   

Volet réalisations témoins

Ici, les entreprises crées par Si Béchir sont multiples. A son retour des USA en 1959 déjà il a monté avec des hommes d’affaires tunisiens la première société IKDEM de froid, d’importation de climatiseurs pour les hôtels notamment dont il était le premier responsable, puis il a créé dans la même lignée une société de construction de chambres frigorifiques en Tunisie avec l’importation de moteurs compresseurs. Il avait en plus en cette période créé une branche d’élevage des gallinacés, avec l’envoi en formation d’un ressortissant de Sidi Thabet en Belgique, dans l’objectif de rendre la viande plus accessible aux Tunisiens. Se sentant à l’étroit par rapport à ses objectifs pour le pays, il démissionna en 1964 d’IKDEM et se consacra au projet de l’étude d’une compagnie maritime pour permettre aux produits tunisiens, notamment les agrumes et l’huile d’olive, de mieux se vendre en Europe, dans l’intérêt des agriculteurs tunisiens. Il a investi une somme importante pour réaliser l’étude de ce projet. Or le blocage des autorités officielles de l’époque pour des raisons que l’on peut facilement deviner n’a pas permis à ce projet de se concrétiser .

Il a aussi créé l’entreprise « Sinaet Jemmel », une entreprise pilote qui servira au développement de la menuiserie à Jemmal et à l’émergence et à l’avènement de la normalisation des dimensions des portes à travers leur vente dans les différents souks hebdomadaires du pays, grâce à leur prix concurrentiel, résultant effectivement de leur fabrication en séries dans le cadre de dimensions standardisées, dimensions qui ont fini par s’imposer de fait à travers le pays. A travers cette entreprise, Si Béchir a voulu aussi favoriser l’emploi des jeunes et ce en tant que salariés ou entrepreneurs.

La liste de ses créations est à méditer et à cerner un de ces jours. Outre les entreprises que tout un chacun connait, BSB Toyota, BSB bureautique…, pour démontrer combien les produits japonais étaient au moins aussi fiables que les produits occidentaux, il a aussi créé Ixiby pour les machines à coudre allemandes, solides et fiables et proposées à des prix très accessibles. Il a aussi attiré l’attention sur le secteur des salons spécialisés et ce en créant la première entreprise « Tunis Expo » pour l’organisation des salons spécialisés, un secteur dont il a perçu prématurément les retombées et l’impact économiques sur toutes les activités, industrielles, agricoles, de services…

Volet réalisations pour l’exemple

Aussi, à la fin des années soixante-dix et à la faveur du lancement de Tunis Expo, il a organisé le premier salon de l’invention avec la participation gratuite des inventeurs avec en prime la sélection et l’octroi de prix substantiels aux lauréats, prix fournis par l’entreprise BSB. Ce salon dont l’administration a voulu à l’époque se réserver l’organisation sans aucune suite, se trouvera relancé, organisé et financé par BSB, une vingtaine de fois à partir des années 90.

Aussi incroyable que cela puisse paraitre, Si Béchir opte durant les années soixante pour l’élevage des chèvres dites des Alpes à Ain Draham pour la production du lait et du fromage et ce pour l’adaptation prometteuse de cette race aux conditions naturelles de Ain Draham, ressemblant à celle des Alpes. Il a même recruté et engagé un berger français formateur devant propager, moyennant le matériel nécessaire, l’élevage de ce type de chèvres parmi la population locale.

Que retenir et quelles actions entreprendre dans ce cadre ?

Quelles leçons retenir et quelles conclusions tirer de la célébration du 38e anniversaire de l’extinction de Si Béchir ?

Deux à notre avis. La première consisterait à charger des personnes ayant connu et côtoyé de près Si Béchir et ayant eu accès à ses différentes publications à archiver, analyser et cerner avec détails et précisions les différentes actions qu’il a réalisées et favorisées durant sa vie et ce dans un esprit et pour un objectif de capitalisation de ses différentes entreprises dont l’initiative, le lancement et la prospérité sont pleines de sens. Déjà en 1959, Taher Belkhoja raconte que lors de sa présence à cette époque à la remise à Si Béchir de son diplôme aux USA, notre illustre défunt lui avait fait part déjà à cette époque de ses projets pour le pays. Taher Belkhoja raconte que ces projets lui ont paru si nombreux qu’ils lui semblaient irréalisables. Aussi en 1971, feu Hedi Nouira lui avait- t-il accordé le titre du meilleur entrepreneur

La deuxième pourrait porter sur la création d’une véritable fondation Béchir Salem Belkhiria, chargée de porter loin et fort la signification et la portée de ces différentes actions afin de les intégrer dans le développement actuel de la Tunisie et dans un objectif de capitalisation d’un tel héritage inestimable pour favoriser l’émulation et la capitalisation des initiatives phares de développement au profit du plus grand nombre possible de bénéficiaires.

38e anniversaire du décès de Béchir Salem Belkhiria : quelles leçons tirer de la vie d’un pionnier ?

Pluies et grêle à Djerba

Leave a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *